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jeudi 5 janvier 2017

« Silence » de Shûsaku Endo (1966)

(…) trente-cinq mille chrétiens s’étaient soulevés à Shimabara, et que lors d’un combat sanglant avec les forces du Bakufu, les rebelles avaient été massacrés jusqu’au dernier. Hommes et femme, jeunes et vieux, tous avaient été exterminés.

La majorité des Chinois ne manifestent aucun intérêt pour notre enseignement. A ce point de vue, le Japon est sans doute, comme l’a dit saint François Xavier, « le pays d’Orient le mieux fait pour le christianisme ».

——

Jamais je n’ai éprouvé aussi profondément tout le poids du sens de la prêtrise. Ces chrétiens japonais sont comme un navire perdu, sans carte, dans la tempête. Je les vois, sans un seul prêtre, un seul frère pour les encourager et les réconforter, pour empêcher leur espoir de se dissoudre peu à peu, errant désorientés dans les ténèbres.

La raison pour laquelle notre religion a pénétré cette région comme une eau généreuse une terre desséchée tient à la chaleur humaine, jusqu’alors inconnue, qu’elle apportait à ces pauvres gens. Pour la première fois, ils ont rencontré des hommes qui les traitaient comme des égaux, la bonté et la charité des pères gagnèrent ainsi leur cœur.

Que veux-je dire ? Je ne le comprends pas très bien moi-même, je sais seulement qu’aujourd’hui, tandis que, pour la gloire de Dieu, Mokichi et Ichizo ont gémi, souffert et rendu l’âme, je ne puis supporter le bruit monotone de la mer obscure rongeant le rivage. Derrière le silence oppressant de la mer, le silence de Dieu… le sentiment qu’alors que les hommes crient d’angoisse, Dieu, les bras croisés, se tait.

Pourquoi nous avez-vous si totalement abandonnés ? pria-t-il d’une voix éteinte. Pourquoi avez-vous laissé à ses cendres une ville bâties à voter intention ? (…) Avez-vous simplement gardé un silence pareil à celui des ténèbres qui m’entourent ? Pourquoi ? Donnez m’en au moins la raison.

Un homme était mort. Et le monde demeurait immuable, comme si rien ne s’était passé. Quoi de plus démentiel ? Etait-ce là le martyre ? Pourquoi gardez-vous le silence ? Ce borgne est mort, ici, pour vous. Vous devriez le savoir. Pourquoi ce calme s’éternise-t-il ? Cette paix de midi. Le bourdonnement des mouches… cette folie, cette atrocité. Et vous vous détournez, comme avec indifférence. Cela… cela, je ne puis le supporter.

« Vous êtes venu en ce pays afin de donner votre vie pour eux, en fait ils donnent la leur pour vous. »
La voix au rire méprisant ouvrit les blessures du prêtres, comme si l’ont y eût plongé une lame. Il hocha faiblement la tête. Non, ce n’était pas pour lui que, depuis si longtemps, mouraient les paysans. Ils avaient choisi de mourir pour leur foi. Mais cette réponse ne pouvait plus cicatriser ses plaies.

Dieu existait-il vraiment ? S’il n’existait pas, quelle dérision que les années de sa vie passées sur des mers sans limites à seule fin de venir semer sur cette île aride une graine menue !

Mais son mot de Deus fut librement changé en Dainichi (le Grand Soleil) par les Japonais. Pour eux, qui adoraient le soleil, les mots de Deus et de Dainichi avaient une consonance presque identique.

- Les Japonais se figurent un homme haut placé, en tout point admirable… et le nomment Dieu, ils appellent Dieu un être ayant le même genre de vie qu’un homme et ce n’est pas le Dieu de l’Eglise.
- Est-ce donc la seule chose que vous ayez apprise au cours des vingt ans passés dans ce pays ?

Toutefois, j’ai la certitude que mon Seigneur n’est pas le Dieu qu’on prêche à l’église.

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