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mardi 20 septembre 2016

« La pesanteur et la grâce » de Simone Weil (1947)

Ne pas juger. A la manière du Père des cieux qui ne juge pas : par lui les êtres se jugent. Laisse venir à toi tous les êtres, et qu’ils se jugent eux-mêmes […] Le Christ lui-même ne juge pas. Il est le jugement. L’innocence souffrante comme mesure. 

Il n’y a pas d’autre critérium parfait du bien et du mal que la prière intérieure ininterrompue. Tout ce qui ne l’interrompt pas est permis, tout ce qui l’interrompt est défendu. Il est impossible de faire du mal à autrui quand on agit en état de prière. A condition que ce soit prière véritable.

Autrui. Percevoir chaque être humain (image de soi-même) comme une prison où habite un prisonnier, avec tout l’univers autour.

Forcer quelqu’un à se lire soi-même comme on le lit (esclavage). 
Forcer les autres à vous lire comme on se lit soi-même (conquête). 

La beauté, c’est l’harmonie du hasard et du bien.

Si le beau est présence réelle de Dieu dans la matière, si le contact avec le beau est au plein sens du mot un sacrement, comment y a-t-il tant d’esthètes pervers ? Néron […] ces gens ne s’attachent-ils pas au beau authentique, mais à une imitation mauvaise ? Car comme il y a un art divin, il y a un art démoniaque. 

Mettre sa vie dans ce qu’on ne peut pas du tout toucher. C’est impossible. C’est une mort. C’est cela qu’il faut.

Faire le bien. Quoi que je fasse, je sais d’une manière parfaitement claire que ce n’est pas le bien. Car celui qui n’est pas bon ne fait pas le bien. Et « Dieu seul est bon »…
Il faut demander que tout le mal qu’on fait tombe seulement et directement sur soi. C’est la croix. 

Tendance à répandre le mal hors du soi : je l’ai encore ! 
Les êtres et les choses ne me sont pas assez sacrés. Puissé-je ne rien souiller, quand je serais entièrement transformée en boue. Ne rien souiller même dans ma pensée. 

Tragédie de ceux qui, s’étant portés par amour du bien, dans une voie où il y a à souffrir, arrivent au bout d’un temps donné à leur limite et s’avilissent. 

Nécessité d’une récompense, de recevoir l’équivalent de ce qu’on donne. Mais si, faisant violence à cette nécessité, on laisse un vide, il se produit comme un appel d’air, et une récompense surnaturelle survient. Elle ne vient pas si on a un autre salaire : ce vide la fait venir.

Pour atteindre le détachement total, le malheur ne suffit pas. Il faut un malheur sans consolation. Il ne faut pas avoir de consolation. Aucune consolation représentable. La consolation ineffable descend alors. 

La réalité du monde est faite par nous de notre attachement. C’est la réalité du moi transportée par nous dans les choses. Ce n’est nullement la réalité extérieure. Celle-ci n’est perceptible que par le détachement total. 

Nous ne possédons rien au monde – car le hasard peut tout nous ôter – sinon le pouvoir de dire je. C’est cela qu’il faut donner à Dieu, c’est-à-dire détruire. Il n’y a absolument aucun autre acte libre qui nous soit permis, sinon la destruction du je. 

La destruction purement extérieure du je est douleur quasi infernale.
La destruction extérieure à laquelle l’âme associe par amour est douleur expiatrice. 
La production d’absence de Dieu dans l’âme complètement vidée d’elle-même par amour est douleur rédemptrice. 

Une très belle femme qui regarde son image au miroir peut très bien croire qu’elle est cela. Une femme laide sait qu’elle n’est pas cela.

Ce à quoi on ne renonce pas nous échappe. En ce sens, on ne peut posséder quoique ce soit sans passer par Dieu. 

… ne souhaiter la disparition d’aucune de ses misères, mais la grâce qui les transfigure. 

Le moi, ce n’est que l’ombre projetée par le péché et l’erreur qui arrêtent la lumière de Dieu, et que je prends pour un être.

N’être qu’un intermédiaire entre la terre inculte et le champ labouré, entre les données du problème et la solution, entre la page blanche et le poème, entre le malheureux qui a faim et le malheureux rassasié.  

Ne te laisse mettre en prison par aucune affection. Préserve ta solitude. Le jour, s’il vient jamais, où une véritable affection te serait donnée, il n’y aurait pas d’opposition entre la solitude intérieure et l’amitié, au contraire. C’est même à ce signe infaillible que tu la reconnaîtras. Les autres affections doivent être disciplinées sévèrement. 

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