Nombre total de pages vues

dimanche 14 avril 2024

« Après Jésus - L’invention du christianisme » sous la direction de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim (2020)

L'écrit le plus ancien est la première lettre de Paul aux Thessaloniciens, composée au début des années 50, et suivie d'autres lettres écrites soit par Paul, soit par des disciples de Paul, soit par d'autres auteurs encore (…)

Le deuxième genre littéraire est celui des évangiles: Marc (entre 65 et 70) ;

Matthieu et Luc (sans doute aux alentours des années 80-85) ; Jean (vers la fin du Ier siècle) (…) Luc, qui compléta son évangile par les Actes des Apôtres.


Le papyrus P66 (Bodmer II, conservé à Genève) comporte l'ensemble de l'évangile de Jean (sous forme fragmentaire à la fin) ; il date du début des années 200, guère plus d'un siècle après la mise écrit du texte.


(…) la destruction du Temple de Jérusalem en 70 (…) La variété des partis religieux qui caractérisait la société juive de la fin de la période du second Temple a trouvé un terme soudain avec la chute de ce dernier.

Les zélotes et les sicaires qui portaient le flambeau de l'insurrection ont été décimés, tout comme les esséniens, éradiqués par le pouvoir romain. Les sadducéens, alliés politiques de Rome mais dont l'idéologie était entièrement dépendante des institutions du Temple, ont disparu avec lui. Seul le courant pharisien a réussi à opérer une mutation sous la forme du judaïsme rabbinique qui se réorganise loin de Jérusalem, à Yavné. Il va s'imposer graduellement au cours des siècles suivants comme le judaïsme normatif.


Le terme généralement employé pour stigmatiser les chrétiens est min (dont le pluriel est minim et le substantif minout) (…) min renvoie à une notion plus large d'hérésie ou d'hétérodoxie et ne vise donc pas spécifiquement le mouvement chrétien.


Jusqu'à la fin du IIe siècle, le grec demeurera pour les chrétiens la seule langue sinon de communication, du moins d'expression écrite. Cette situation s'explique par le fait que la mission chrétienne s'est très tôt déployée en dehors de la Palestine dans l'ensemble du bassin méditerranéen et vers la Mésopotamie, dans des régions dont le grec était la langue commune ou lingua franca.


L'archéologie a donc confirmé que le Vatican était un très ancien lieu dédié à la mémoire de Pierre. Malheureusement, les fouilles menées en 2002-2006 sur le site de Saint-Paul-hors-les-Murs, sur la route d'Ostie, n'ont pas donné les mêmes résultats, puisqu'on n'y trouve aucune trace mémorielle de Paul antérieure au IVe siècle.


Paul à Éphèse et Justin à Rome ont enseigné dans la salle de cours d'un philosophe, pour le premier, et au-dessus d'un établissement de bains, pour le second.


L'existence de soldats chrétiens ne fait pas problème au IIIe siècle, bien que le christianisme restât frappé d'un interdit légal. L'archéologie confirme le témoignage du plus ancien historien de l'Église, Eusèbe de Césarée, qui relève leur présence dans l'armée de Marc Aurèle et attribue à leurs prières le miracle de la pluie qui la sauva en Germanie vers 175.


Le plus ancien témoignage public chrétien de christianisme est le long poème que l'évêque Aberkios de Hiéropolis (Phrygie, actuelle Turquie) fit inscrire sur son tombeau.


Les lettres épiscopales conservées répondent donc le plus souvent à une situation de crise, créée par l'effervescence théologique ou par l'épreuve des persécutions. Les évêques sont confrontés à des situations qu'ils règlent au coup par coup. Ils n'appliquent pas des textes programmatiques, mais se comportent en hommes de terrain, en décrivant quelquefois de manière très concrète les débats internes (…)

Les lettres circulaires constituèrent le seul moyen de faire connaître et appliquer les décisions d'une conférence épiscopale ou synode. La pratique synodale, qui apparaît en Asie Mineure au tournant des IIe et IlIe siècles, est directement issue des réseaux épistolaires : après s'être beaucoup écrit, les évêques se sont rencontrés dans un cadre régional de plus en plus étendu pour débattre de questions doctrinales et disciplinaires. La décision, votée à la majorité, prenait la forme d'une lettre synodale qui avait une portée juridique, mais dont l'application dépendait du nombre, de la qualité et de l'influence des signataires…


Entre la naissance de Jésus et les premières images de lui, près de trois siècles s’écoulèrent ; entre sa mise en croix, célébrée comme un événement capital par Paul dans ses lettres, et les premières représentations de la Crucifixion, près de quatre siècles (…) Le christianisme des origines fut très marqué par l’aniconisme juif.


(…) Pierre (…) fut considéré très tôt comme le premier évêque de Rome, alors qu'il exerça sans doute la plus grande partie de son apostolat à Antioche de Syrie (…) son évangélisation de Rome et notamment une nouvelle confrontation avec Simon le Magicien ainsi qu'un martyre devant l'empereur Néron.


Jacques le Majeur, frère de Jean, ne saurait avoir une importante postérité puisque les Actes des Apôtres narrent qu'il fut supprimé par le glaive quelque temps après la Pentecôte. Sa fortune hagiographique démarre en réalité à partir du VIIIè siècle lorsqu'on découvrit ses reliques à Compostelle et que débuta le grand pèlerinage qui existe jusqu'à nos jours.


Jacques, « frère du Seigneur », dirigea la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem jusqu’à sa mort en 61 (…)


En définitive si, à cette époque, l'Église doit déjà affronter la question de ceux qui commettent des fautes graves, il n'existe pas encore en son sein d'institution pénitentielle telle qu'elle apparaîtra au IVe siècle - et, là encore, on considérera que, en principe, la pénitence ne saurait être accordée qu'une seule fois. Ce n'est que bien plus tard, après un cheminement historique complexe, que la pénitence prendra des formes individuelles et réitérables, notamment à travers la pratique de la confession et de l’absolution.


Aux environs de l'année 35 de notre ère, (…) un certain Saül/Paul parti de Jérusalem pour Damas en vue d'y persécuter les adeptes de Jésus (…) sa jeunesse (…) Il l'a vécue à Tarse, une ville du sud-est de la Turquie actuelle. C'était la capitale de la Cilicie et le siège du gouverneur romain (…)

Il revendiquait une ascendance juive prestigieuse, la tribu de Benjamin. Comme il arrivait fréquemment pour les Juifs de la diaspora, il portait un double prénom : juif, le premier est Saoul, qui fait référence au célèbre benjaminite Saül, le premier roi d'Israël ; le second, Paul, est un prénom gréco-romain.

À Tarse, Paul a reçu une éducation hellénistique classique, ce dont témoignent sa connaissance de la rhétorique et le style grec assez lisse - sans influence d'une langue sémitique - de ses écrits (…)

Paul apparaît ainsi comme un homme d'une triple culture. C'est un Juif d'obédience pharisienne. Il est en contact à Tarse avec la culture grecque. Et ce Juif hellénistique assume, avec fierté, le titre de citoyen romain (…)

Paul est resté célibataire. Il a un métier qui lui permet de subvenir à ses propre besoins: il est fabricant de tentes. Cette notation occasionnelle des Actes est d'autant plus vraisemblable que la ville de Tarse était réputée pour le travail du lin (…)

C’est pourquoi il en est venu à insister sur la foi en Jésus Christ comme source de justification. Celle-ci se substitue au rôle que jouait la naissance dans le peuple de l'élection comme point de départ du salut. L'Apôtre a ainsi été amené à dire que la foi seule sauve, c'est-à-dire que c'est elle qui permet d'entrer dans le peuple de la Nouvelle Alliance. Mais pour demeurer dans celle-ci, les œuvres - autrement dit l'engagement éthique - sont très importantes. Cela est bien illustré par le fait que chaque lettre de Paul comprend une partie d'exhortations morales non négligeable.


Il s'installe durablement en des lieux susceptibles de devenir des pôles de christianisation : plus de dix-huit mois à Corinthe, trois ans à Éphèse, trois mois encore à Corinthe et deux ans à Rome (…)

Un Juif de la diaspora formé aux écoles philosophiques de Tarse et aux académies pharisiennes de Jérusalem (…)

La plupart des fondations de Paul s'inscrivent dans un cadre familial - à prendre au sens large. On parle conventionnellement d'« Église domestique », mais le terme de « maisonnée » est sans doute plus adéquat pour rendre compte de cette structure complexe qu'on appelait oikos en grec, familia en latin. Selon Aristote, c'était la communauté de base sur laquelle se construisait la cité. Elle ne se réduisait pas à la famille nucléaire, mais constituait une synergie à l'échelle d’une exploitation agricole, d'un atelier ou d'une boutique, qui rassemblait parents, salariés, affranchis et esclaves sous la direction du maître de maison - parfois une femme (…)

Plutôt que de mettre en place des institutions, il a eu pour objectif et pour principe d'action de faire communiquer les gens entre eux. Ainsi, l'Église selon Paul nous apparaît comme un réseau tissé par un petit groupe d'hommes qui circulent d'une communauté à une autre en utilisant les potentialités de leur époque.


Une telle liberté par rapport aux lois religieuses conduit même Paul à des formulations paradoxales, reprises à l'envi par des habitants de Corinthe qui en profitaient pour vivre dans la débauche tout en se prétendant disciples du Christ: « Tout m'est permis » ou, de façon plus générale, « Tout est permis », que le Tarsiote se doit aussitôt de nuancer: « Mais tout ne convient pas... Mais moi je ne me laisserai asservir par rien»;

« Mais tout ne convient pas... Mais tout n'édifie pas. » C'est de cette conviction qu'Augustin a tiré son célèbre adage, Ama et fac quod vis: « Aime, et fais ce que tu veux. »


Les années 132-135, sous le règne d'Hadrien, empereur depuis 117, sont marquées par ce qu'on a coutume de présenter comme la « dernière révolte juive » contre l'Empire. Menée par un chef de guerre charismatique, Simon bar Kosiba, elle s'achèvera par une lourde défaite qui marquera durablement la conscience juive (…) les historiens chrétiens, au premier chef Eusèbe de Césarée (v. 265-339), l'évoquent longuement comme l'une des"preuves » de l'abandon d'Israël par Dieu (…)

La littérature rabbinique postérieure se fait pour sa part l'écho du soutien d'un des plus grands maîtres de la génération, Rabbi Akiba, à Bar Kokhba en qui il aurait vu le Messie annoncé par les Écritures, c'est-à-dire celui qui restaurerait le Temple et rendrait au peuple d'Israël son indépendance politique (…) Le Talmud rapporte les horreurs de son [Rabbi Akiba] martyre aux mains des Romains, soit à la fin de la révolte de Bar Kokhba, soit dans les persécutions qui suivirent : on l'écorcha vif, ce qu'il supporta sans interrompre sa prière. Lorsque ses disciples lui demandèrent, affolés, s'il fallait vraiment aller « jusque-là », il répondit:

« Toute ma vie j'ai récité, dans le Shema Israël, le verset qui nous enjoint d'aimer Dieu "de toute sa vie", autrement dit même si cela nous coûte la vie, et maintenant que j'ai l'occasion d'accomplir ce commandement, je m'y refuserais ? » (…)

[La guérilla] ne s'étend pas à la diaspora, qui sort à peine de la guerre de Quietus, ni même à la Galilée, qui avait elle aussi payé un lourd tribut lors de la révolte de 117. C'est essentiellement la Judée qui se soulève. Les succès initiaux de Bar Kokhba, qui lui permettent même de constituer un embryon d'État indépendant et de frapper monnaie - symbole universel de souveraineté -, sont dus à l'adoption de techniques de guérilla et au recours à un réseau de grottes dans cette région montagneuse. Face à cette stratégie, les légions romaines se montrent démunies et encaissent des pertes qu'on dit importantes mais qui sont difficiles à chiffrer.

(…) la révolte ne touche pas Jérusalem (…) Bar Kokhba, en stratège averti, est bien conscient que les succès qu'il peut remporter dans le « maquis » de la Judée ne lui permettent pas d'espérer pouvoir vaincre frontalement la Legio X Fretensis qui tient la Ville sainte, encore moins de l’assiéger (…) 

Des diverses sources, il ressort clairement que les chrétiens n'ont en aucune manière combattu avec Bar Kokhba (…)

Au lendemain de la révolte, Hadrien impose, en plus de l'interdiction de la circoncision, une série de dix-neuf décrets interdisant l'observance d'un certain nombre de commandements, abolissant les tribunaux rabbiniques et la nomination comme juges de maîtres de Torah, proscrivant les rassemblements publics (et ordonnant de ce fait la fermeture des synagogues) et l'enseignement de la Torah, entre autres décrets explicitement dirigés contre la religion. Il est en outre interdit aux Juifs d'habiter dans Jérusalem et même dans n'importe quel endroit d'où l'on puisse voir la Ville sainte (…) les interdictions seront levées dès le règne d’Antonin le Pieux, le successeur d’Hadrien…


Des éléments et des motifs de polémique anti-juive se trouvent dans la plupart des rites chrétiens du Ier siècle. Mais il se développe aussi à cette époque un véritable genre adversus Judaeos, à savoir des ouvrages, souvent sous forme de dialogues, spécialement consacrés à la polémique contre les Juifs (…)

L'Adversus Judaeos de Tertullien est le premier traité de ce genre composé en latin.

 (…) le terme Ioudaios en grec (ici au singulier), traduit généralement dans les Bible par « Juif », est mentionné plus de soixante-dix fois chez Jean alors qu’il ne l'est que cinq fois chez Matthieu, six fois chez Marc et cinq fois chez Luc (…)

Narrativement, les personnes qui croient en Jésus ne font plus partie du groupe des Ioudaioi, mais de ceux qui en ont peur. Dès lors, les Ioudaioi sont présentés comme des adversaires de Jésus : soit parce qu'ils veulent sa mort, soit parce qu'ils font peur à ceux qui sont devenus ses disciples (…) Or le Jésus johannique, qui donne aux siens un commandement d’amour, n’enseigne pas le rejet des « Juifs », encore moins la violence contre eux (…)

Le terme Ioudaioi n'est donc pas obligatoirement négatif.

(…)  l'ambivalence du vocable Ioudaioi dans l'évangile de Jean. Il désigne tantôt les Judéens dans leur ensemble, tantôt la coutume judéenne (parfois opposée à la galiléenne), tantôt encore les notables représentant le pouvoir en Judée…


Trente ans après la crucifixion, un premier récit ordonné de la vie de Jésus est composé : celui que nous appelons « l'évangile de Marc ». Deux ou trois décennie plus tard, deux autres chrétiens relèvent à leur tour le défi d'écrire une « vie de Jésus ». Tenant leur prédécesseur Marc en grand respect, Luc et Matthieu reprennent l'immense majorité de son contenu et surtout sa trame (…) Par ailleurs, l’évangéliste [Marc] fait le choix fort de ne raconter aucune apparition du Ressuscité et de conclure son récit par une fin abrupte et déconcertante: « Les femmes ne dirent rien à personne car elles avaient peur.» (…)

La spécificité de Matthieu est de présenter Jésus comme un nouveau Moïse (…) il regroupe les paroles de Jésus en cinq grands discours qui font irrésistiblement écho aux Cinq Livres de Moïse. L'évangéliste Luc (…) Son souci principal est d’insister sur la continuité entre les annonces prophétiques et l'action de Jesus. En conséquence, son originalité consiste à déployer une christologie prophétique, ou Jesus assume sans sourciller le titre de prophète (…)

L’originalité de Luc tient surtout à ce qu’il écrit une suite à l’Évangile sous la forme des Actes des Apôtres, où l’Esprit saint, clairement « l'esprit de Jésus », prend le relais de ce dernier pour que son message se diffuse jusqu'aux extrémités du monde. Pour Luc, Jésus est incompréhensible sans les prophéties bibliques qui l’annoncent (…) Ainsi pour Luc, c'est la figure prophétique et eschatologique d'Élie, davantage que celle de Moïse, qui est la plus pertinente pour comprendre le Messie inclassable qu'est Jésus de Nazareth (…)

Il y a bien sûr, outre « Fils de l'Homme », le terme de « Messie », qu'il accepte lorsque Pierre l'emploie en parlant de lui mais qu'il requalifie immédiatement en expliquant sa mission ainsi: « Le Fils de l'Homme doit beaucoup souffrir. » Le problème vient du fait que nulle part chez Daniel ou Ezéchiel il n'est fait mention d'éventuelles souffrances que devrait endurer ce personnage, qui chevauche les nuées du ciel et auquel est conférée la royauté. La découverte du Livre d'Hénoch, un livre intertestamentaire juif qui accorde une grande importance au Fils de l'Homme, a montré qu'attribuer un rôle eschatologique et/ou messianique à cette figure n'était une invention ni de Jésus ni des premiers chrétiens.

(…) et c'est là qu'intervient le troisième terme, celui du « Serviteur souffrant » décrit si puissamment par le prophète Esaïe dans le quatrième chant du serviteur. Il est dit de lui (…) qu’il « justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes… »


Pour Irénée, le lion est Jean, le taureau Luc, l'homme Matthieu et l'aigle Marc.

Les Pères de l'Église qui le suivront proposeront bien des systèmes - et des justifications - avant d'arriver, autour du Ve siècle, à une sorte de consensus. Au milieu de ces variations, Luc est toujours symbolisé par le taureau, car il commence par la vision du prêtre Zacharie, le taureau étant la victime sacrificielle par excellence. L’aigle (…) est finalement attribué à Jean, qui manifeste dans son Prologue l’élévation du Verbe divin. Le lion (…) devient celui de Marc au prétexte qu'il débute par le ministère de Jean le Baptiste au Jourdain et que le livre de Jérémie avait prophétisé que « le Seigneur montera comme un lion du Jourdain ». Enfin, le symbolisme de l'homme sert à exprimer la naissance humaine de Jésus, rapportée par la généalogie qui ouvre Matthieu.


(…) la date de sa mort non pas le jour de la Pâque mais la veille, en une année où la Pâque juive coïncidait avec un shabbat (…)

Dès lors, Jean le Baptiste peut déclarer sans ambages : « Moi j'ai vu et j'atteste qu'il est, lui, le Fils de Dieu», reprenant une titulature adaptée au roi messianique descendant de David (…)


Plus donc que le Messie, personnage d'origine terrestre choisi par Dieu pour gouverner le peuple élu, Jésus revendique pour lui-même le titre de « Fils de l'homme », autrement dit une figure venue du ciel dans la perspective d'un jugement dernier et universel.


Ainsi lié tant à Dieu le Père qu'à Jésus le Fils envoyé, l'Esprit acquiert un statut quasiment personnel, notamment au travers du titre fonctionnel de « Paraclet », littéralement « avocat » ou « conseil juridique » chargé de souffler à son client les arguments utiles à sa défense. Le contexte est donc bien judiciaire, dans la perspective des difficultés, voire des persécutions, auxquelles ne manquera pas d'être exposée la communauté des disciples de Jésus, envoyés « dans le monde » (…)


Quant au fameux 666 qui est donné comme « chiffre de la Bête» dans l'Apocalypse, il doit indiquer « César Néron » (…) dont l'orthographe hébraïque possible est NeRON QeSaR, c’est-à-dire (50 + 200 + 6 + 50) + (100 + 60 + 200) = 666.


(…) « mystère », mot d'origine grecque à forte connotation religieuse.

Dans les lettres pauliniennes, ce terme n'a rien à voir avec les secrets que les religions à mystères réservent à leurs initiés, que ce soit sur le plan contextuel ou technique.

Emprunté à la traduction grecque du livre de Daniel, le mot est compris au sens étymologique : « quelque chose qui n'est pas dit en vue d'un certain but ».


Au temps de Jésus, le culte était assuré par la classe sacerdotale des kohanim ou « prêtres », descendants d'Aaron, le frère de Moïse (…)

Dans la classe des prêtres, un personnage se distinguait entre tous : le grand prêtre (…) Le grand prêtre pouvait exercer le premier rôle lors de toutes les actions liturgiques qui se déroulaient dans le Temple (…) mais le jour de Kippour il était l'acteur exclusif de tout le déroulement liturgique (…) le Nom divin YHWH (le Tétragramme imprononçable en toute autre circonstance) était énoncé de façon explicite. À trois reprises aussi, le grand prêtre entrait dans le Saint des Saints, l'espace le plus sacré du sanctuaire, lieu de la Présence divine (Shekhina) interdit à tous, sauf au grand prêtre en cette occasion. Il y entrait une première fois pour faire brûler l'encens, deux autres fois avec le sang du taureau pour les péchés des prêtres et avec le sang d'un bouc pour les péchés du peuple. Ce sang était aspergé à l'intérieur même du Saint des Saints ainsi que sur le voile qui en interdisait l'entrée.

(…) le psaume 110 adresse au Messie ces quelques mots: « Tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melkisédeq. » Ce personnage, Melkisédeq, ne se rencontre qu'une fois, dans un court épisode biblique de la Genèse : « prêtre du Dieu Très-Haut », il bénit Abraham, lequel lui donne « la dîme de tout ». Donc Abraham, et en lui ses descendants, Aaron et tout Israël, reconnaît Melkisédeq comme prêtre : il est béni par lui et lui donne la dîme. Ce mystérieux personnage, « prêtre pour l'éternité », reçoit les traits suivants dans le commentaire que notre texte donne du récit de la Genèse : « Sans père, sans mère, sans généalogie, n'ayant ni commencement de jours ni fin de vie, assimilé au Fils de Dieu, il demeure prêtre à perpétuité » (Lettre de saint Paul aux Hébreux, 7,2).


« Ils [les chrétiens] résident chacun dans sa patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils participent à tout comme des citoyens, et se soumettent à tout comme des étrangers. Toute terre étrangère est leur patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère (…) Ils vivent sur terre, mais sont citoyens dans le ciel. Ils obéissent aux lois en vigueur, mais leurs mœurs font mieux que les lois? (…) Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On se trompe sur eux, et on les condamne ; on les met à mort, et ils obtiennent la vie (…) Pour le dire simplement, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L'âme est répandue à travers tous les membres du corps, et les chrétiens à travers les cités du monde. L'âme réside dans le corps, mais elle n'est pas du corps. Les chrétiens résident dans le monde, mais ils ne sont pas du monde (….) L'âme aime cette chair qui la déteste, ainsi que ses membres. Les chrétiens aiment ceux qui les détestent. L'âme est enfermée dans le corps, mais c'est par elle que le corps tient. Les chrétiens sont détenus dans le monde comme en une prison, mais c'est par eux que le monde tient. Immortelle, l'âme habite une tente mortelle. Les chrétiens résident comme des étrangers au milieu des réalités corruptibles, en attendant l'incorruptibilité qu'ils auront dans les cieux. Privée de nourriture et de boisson, l'âme devient meilleure. Maltraités, les chrétiens deviennent de jour en jour plus nombreux.» (À Diognète)

L'À Diognète, qui était ignoré des Anciens et n'a été découvert qu'au XVe siècle, est l'un des joyaux de la littérature apologétique au tournant des Ile et IIIe siècles.


Tertullien achève son Apologétique en soulignant que l'obstination des chrétiens à mourir et à souffrir, qui leur est reprochée par les gouverneurs, est une leçon de nature radicalement différente de la mort volontaire des Empédocle, Didon, Regulus, Sénèque et de tous « ceux qui ont cru s'assurer la gloire en se perçant de leur propre épée ou par un autre genre de mort plus doux »…


Stade de Smyrne (Izmir, Turquie actuelle), le 23 février 155, 156 ou 157. « Voici quatre-vingt-six ans que je sers le [Christ] et il ne m'a rien fait de mal. Comment puis-je blasphémer mon roi, celui qui m'a sauvé ? » répond Polycarpe au gouverneur de la province d'Asie qui voudrait libérer le vieillard s'il maudit le Christ (…) « Qu'il soit brûlé vif ! » hurle la foule. Ce qui est fait aussitôt (…) 

le témoignage d'Irénée de Lyon qui, adolescent, fut son auditeur (…) Polycarpe avait été disciple de l'apôtre Jean et établi évêque de Smyrne par des apôtres


Mourir par provocation ne relève pas du partyre, ce qu’édcitera le canon 60 du « concile » d’Illibéris, en 305 : « Si quelqu’un brise les idoles et est tué pour ce fait, il ne sera pas inscrit au nombre des martyrs (…) » 

Cette recommandation est rappelée par la quasi-totalité des auteurs chrétiens qui invitent, en cas de persécution, à se dérober, à garder la discrétion, à se montrer prudent ou habile comme cet évêque qui, pendant celle de Dioclétien, aurait caché les livres saints et livré à des autorités complaisantes des ouvrages hérétiques...


Dans la famille romaine, l'un des aspects les plus remarquables du pouvoir paternel (patria potestas) est le droit de vie et de mort (…)

L'abandon des enfants (expositio) et leur vente comme esclaves sont admis, même s'ils sont soumis à une législation contradictoire à partir d'Antonin (empereur de 138 à 161) (…) Le handicap, l'illégitimité, l'inceste et la volonté de contrôle des naissances peuvent être des causes de l'abandon infantile (…)

L’abandon ne sera définitivement interdit que par Valentinien Ier (empereur de 364 à 375).

On estime qu'un tiers des garçons de quinze ans de la noblesse sont orphelins de père. Les enfants sont donc confrontés, dès leur plus jeune âge, à la mort de leurs parents et beaucoup vivent au sein de familles composites.


On considère souvent comme une réforme, voire comme une révolution, le modèle ecclésial présenté dans les lettres de captivité d'Ignace, évêque d'Antioche, datées des années 115-117 (…) Il repose sur trois principes : la mise en place d'une organisation à l'échelle de la cité, l'établissement de l'évêque comme centre d'union de l'assemblée eucharistique et point de constitution de l'Église, la définition d'une hiérarchie ministérielle à trois niveaux - celui de l'« épiscope », qui donnera « évêque », des « presbytres », c'est-à-dire des anciens, qui donnera « prêtres », et celui des « diacres » (…)

L’élection à l'épiscopat privilégie donc le principe héréditaire, à l'image des magistratures dans les cités de l'Empire romain (…) Le principe héréditaire garantit, chez l'élu, une bonne éducation, une audience locale, le soutien de réseaux d'hospitalité qui facilitent les voyages : on peut donc penser que les familles épiscopales ont été un élément de l'insertion des premiers chrétiens dans la cité, en même temps qu'une des conditions de l'enracinement et de la stabilité des toutes jeunes communautés. Avec un risque évident de sécularisation, qui explique la réaction d'évêques ascètes et célibataires.


Le mot « catholique » fait son entrée dans la langue des chrétiens vers 115, quand l'évêque Ignace d'Antioche qualifie ainsi la communauté constituée par la réunion de tous les fidèles du Christ.


Marcion est l'un des premiers à fonder un courant chrétien considéré comme dissident (…)

La vie de Marcion se situe entre les années 85 et 160 (…) Il est né à Sinope, sur la mer Noire ; il a fait fortune comme armateur. Son père, évêque de la communauté chrétienne de la ville, était probablement d'origine juive et l'aurait mis au ban de la communauté à cause de sa doctrine considérée comme hétérodoxe - d'ou, peut-être, son opposition farouche au judaïsme. Il tente alors de diffuser ses idées en Asie Mineure, puis se rend à Rome où il séjourne dans la communauté chrétienne. Il lui fait une donation importante, se met à propager ses idées et compose à cette fin sa Bible - constituée d'un Evangelion, une version expurgée de l'évangile selon Luc et d'un Apostolicon reprenant dix des lettres de Paul - et ses Antithèses, visant à démontrer la contradiction entre la divinité des Écritures juives et le « Dieu » du Nouveau Testament. Lorsqu'on se rend compte que sa doctrine est peu conforme à la norme acceptée, on lui rend intégralement sa donation et on le chasse, sans doute en 144. II entame alors une propagande à travers le bassin méditerranéen, fondant un peu partout de nouvelles communautés, qui ont sérieusement concurrencé les Églises déjà existantes (…) 

Pour Marcion, le Christ n'est pas clairement distinct du Père et n'a pas vraiment assumé son humanité : il n'est pas né d'une femme, mais est apparu en pleine maturité.

Le marcionisme s'est très vite largement répandu, au moins jusqu'à la fin du IIè siècle (…)

En Orient, il s'est maintenu beaucoup plus longtemps, notamment dans l'Empire iranien. Les communautés marcionites ont inervé les rites les plus importants de la Grande Église : baptême et eucharistie. Toutefois, dans l'eucharistie, le vin est remplacé par l'eau; le baptême, réitérable, assimilé à un rite pénitentiel. Les marcionites ont une hiérarchie d'évêques, de prêtres et de diacres.


Les ébionites (…) sont considérés par les hérésiologues chrétiens anciens comme des « hétérodoxes «  essentiellement parce qu'ils n'acceptent de reconnaître que la messianité de Jésus et refusent la divinité du Christ (…) la rupture entre ébionites et nazoréens n'est pas antérieure aux années 66-68.

Les ébionites restent fidèles aux pratiques prescrites par la Loi juive, tant pour le shabbat que pour la circoncision et les autres observances. Ils effectuent de nombreuses ablutions : outre l'immersion d'initiation (le baptême chrétien), ils procèdent à de quotidiennes immersions de purification afin de recouvrer la pureté intérieure et d'obtenir le pardon des fautes, surtout après un contact avec un étranger ou une femme. Ils s'abstiennent non seulement des viandes déclarées impures par la Loi, mais de toute alimentation carnée - autrement dit, ils sont végétariens (…) Ils rejettent, de manière radicale, la virginité et la continence sexuelle, prohibant le célibat et proclamant la nécessité du mariage.

Les ébionites croient à la naissance naturelle de Jésus, né de la semence de Joseph - c'est-à-dire qu'ils refusent la conception et la naissance virginales du Christ (…)

Pour eux, Jésus est le « prophète de vérité » dont ils attendent l'ultime manifestation sur la terre (…) 

Il est possible que les chrétiens avec lesquels Muhammad et son groupe de disciples ont été en contact au VIIe siècle aient appartenu au mouvement ébionite dont des adeptes auraient encore existé dans le nord de l'Arabie à cette époque et que l'islam ait repris à son compte la critique ébionite de l’incarnation.


(…) le mouvement nazoréen (…) doit être issu de deux groupes chrétiens (…) représentants d'une ligne en faveur du maintien des observances de la Torah même pour les chrétiens d'origine non juive. À l'origine du mouvement nazoréen, on trouve donc la communauté chrétienne de Jérusalem (…) la loi juive, dont ils maintiennent et respectent les observances, contrairement à l’interprétation chrétienne qui les considère plus ou moins comme abrogées (…)

Les nazoréens sont les premiers disciples de Jésus de Nazareth qui ont reconnu en lui le Messie attendu par Israël - ce sont eux les premiers chrétiens, les premiers transmetteurs des traditions relatives à Jésus, les représentants les plus importants du mouvement des disciples de Jésus jusqu'en 70. Les ébionites et les elkasaïtes sont issus du mouvement nazoréen, avec lequel ils seraient entrés en dissidence pour des raisons doctrinales.


Dans son œuvre, Irénée rappelle une quinzaine de fois qu'il a reçu l'Évangile grâce à son maître Polycarpe, lui-même disciple de Jean, le disciple de Jésus.

Devenu évêque de Lyon, c'est sur cette «tradition» venue des apôtres qu'il fonde sa lutte, à partir des années 180, contre les gnostiques qu'il voit débarquer par le Rhône (…) alors que Marcion et les gnostiques distinguaient comme des interlocuteurs différents le Père d'une part et le démiurge ordonnateur de la matière de l'autre, Irénée répète que le Dieu créateur connu dans la Première Alliance est bien le même Père que le Dieu sauveur de la Nouvelle Alliance (…)

Irénée considère que le cadeau de Dieu ne s'arrête pas à donner l'existence: il offre aussi la possibilité de progresser en perfection. Cela suppose « un commencement, un état intermédiaire et une maturité », c'est-à-dire une histoire, aussi bien collective que personnelle. Il y aura un surcroît de grandeur à obéir à l'Esprit pour se laisser parfaire. Comme Irénée aime à le répéter, « la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse ». Ainsi, l'homme qui reste humblement docile à l'Esprit grandit dans la ressemblance de Dieu (…)

Ce principe a une conséquence immédiate sur la question du mal : la désobéissance d'Adam et Ève est de l'ordre de celle de petits enfants. Elle n'est pas la manifestation d'un méchant orgueil porté par la révolte, comme on se le représentera volontiers deux siècles plus tard, mais plutôt de l'ordre de cette désobéissance à la fois naïve et ignorante qui, comme chez les enfants, conduit à l'accident. Pourtant, la conséquence est lourde : en désobéissant à l'injonction de ne pas manger du fruit de l'arbre, Adam et Ève ont aliéné leur liberté.

Au lieu d'obéir librement au Père et de croître ainsi en ressemblance, ils ont obéi au serpent, et se sont rendus désormais incapables de ce progrès.


Le plus ancien grand écrivain latin chrétien est Tertullien de Carthage. Après lui (…) Cyprien de Carthage (…) 

On voit la prédominance des Africains (…) la Carthage latine, était après Rome la plus grande ville d'Occident. Elle était aussi au IIè siècle la patrie de tous les écrivains latins païens : Apulée (…)

Né vers 160 dans une famille païenne aisée et doté d'une solide formation rhétorique, il se convertit probablement dans les années 190 (…) il fut en tout cas marié (…)

(…) son œuvre (…) est abondante, puisqu'elle compte trente et un traités conservés, auxquels s'ajoute une petite dizaine perdue (…)

contre Marcion, qui professait le docétisme (Jésus, pour Marcion, n'aurait eu qu'une apparence d'humanité ; le grec dokein, qui a donné « docète » et « docétisme », veut dire « sembler, paraître ») (…)

Pareille personnalité ne pouvait qu'impressionner ses successeurs, Cyprien au premier rang.


Caecilius Cyprianus (…) était de bonne famille carthaginoise. Il fit de fortes études - rhétoriques, sûr - et se convertit à l'âge adulte, vers 245-246. Resté célibataire et ayant distribué à peu près tous ses biens, il fut vite ordonné prêtre puis élu dès 248, di de son ascendant personnel et social, évêque de Carthage (…) 

En 257 éclate la persécution de Valérien. Cyprien y trouve le martyre (…)

Sous les yeux de Cyprien, contemporain de ce que les Modernes ont coutume de nommer « la crise du IIle siècle », le monde s'abime dans la guerre et la peste. Face au monde, un seul havre de salut : l'Église, qu'il persécute à l'instigation de Satan (…) L’Église est unique comme la fiancée du Cantique des Cantiques.

En son sein, affection fraternelle; mais « hors d'elle [hors de sa communion visible], point de salut » : paiens, Juifs, hérétiques et schismatiques vont à la perdition (…) Dès lors, parmi les multiples dénominations qui se déclarent « Eglise du Christ » (Église catholique), comment discerner ? Le critère est toujours l’unitas (…)

Ses intuitions sur la grâce comme sa croyance au péché originel sont à la base de la pensée augustinienne (…)

Dès le IIIè siècle, l'Afrique chrétienne fut « pionnière ». De fait, en certaines de ses parties (la Numidie), peu avant Constantin, le christianisme, se substituant aux paganismes, était en passe de devenir « religion coutumière ». L'Afrique, bien avant le reste de l'Occident, se constituait en « Chrétienté ».


«Pape », en latin papa, est un vocable familier, dérivé du grec pappa ou de son diminutif papas, pour évoquer la figure du père et l'autorité paternelle (…) On ne peut exclure non plus qu'en milieu romain, le concept juridique de la patria potestas, qui déterminait les droits du chef de famille, n'ait perpétué en la figure familière du « pape » l'autorité familiale des premiers évêques, chefs d'Églises de maisonnée.

Au lII siècle, les mentions de « papes » sont rares, mais suffisamment variées et dispersées pour qu'on puisse conclure à un vocable largement utilisé en Orient et en Occident, avant que l'emploi en soit restreint aux titulaires des sièges épiscopaux les plus éminents - Rome, Carthage et Alexandrie (…)

Le terme même de « pape » (…) ne tendra en Occident à devenir l'apanage exclusif de l'évêque de Rome qu’aux IXè-Xè siècles; jusqu'à cette période, il pourra être communément appliqué à d'autres évêques.

En 256 probablement, Cyprien, l’évêque de Carthage aujourd’hui en Tunisie, adressa  à Firmilien, son confrère de Césarée de Cappadoce (aujourd’hui en Turquie, une lettre (…) Le point capital en était la controverse qui opposait Cyprien et les évêques africains, dont il était en quelque sorte le primat, à Étienne, l'évêque de Rome (254-257), et aux évêques qui l'entouraient, quant à la validité du baptême reçu dans une communauté dissidente. Alors qu'en Afrique il était d'usage de considérer ce baptême reçu hors de la « véritable » Église comme nul et non avenu, à Rome au contraire il n'était point question de re-baptême (…)

Fondation apostolique par excellence, l'Église de Jérusalem était érigée contre Rome en norme de la tradition apostolique, d'autant que ce qui était reproché entre autres à Etienne, c'était de vouloir faire des usages et pratiques de son Église la norme absolue au sein de la communion des Églises.

(…) déjà, à la fin du IIè siècle, Victor, l'évêque de Rome, avait défendu avec virulence contre Polycrate, l'évêque d'Ephèse, l'exclusivité de la tradition romaine en matière de détermination de la date de Pâques.


Encore fallait-il, pour que ces événements aient une postérité, que la signification qu'ils véhiculaient acquière une audience suffisante dans leur environnement. Le fait est qu'ils l'ont acquise et ce n'est pas la moindre énigme de ce parcours hors norme. Car, a priori, cet environnement avait tout pour être réfractaire pareil message, si ce n'est hostile. Passe encore pour les milieux juifs ou judaïsants gravitant autour des synagogues de la diaspora, points d'appui premiers de la prédication de Paul et de ses compagnons. Là, du moins, le langage et les références revêtaient un air de familiarité. Mais pour un citoyen de Rome, pour un lettré de culture grecque, qu'est-ce que ces histoires de messie crucifié, de rédemption, de résurrection pouvaient bien vouloir dire ? Et pourtant, en dépit de cette étrangeté par rapport à la religion civique ou par rapport au discours philosophique, elles ont été entendues. Ce fut certes par une propagation discrète et dans des proportions limitées, au départ, mais des proportions assez conséquentes, toutefois, pour constituer le noyau irréductible, malgré les persécutions, sur la base duquel un empereur de Rome, en l'an 312, allait épouser la cause chrétienne.


Anaphore

Du grec signifiant « porter vers le haut », l'anaphore est la prière de l'offrande que l'on fait monter vers Dieu. Il s'agit d'un autre nom de la prière eucharistique, c'est-à-dire des formules rituelles prononcées lors de la célébration de l'eucharistie, cœur de la liturgie chrétienne.


Araméen

Langue sémitique très proche de l'hébreu et parlée à l'origine par un ensemble de peuples des confins de la Syrie et de la Turquie actuelles.


Catéchumènes

Du grec kat-èkheô, « faire retentir aux oreilles », d'où « instruire de vive voix » (…)


Charismes

Du grec kharisma, « don de la grâce de Dieu », le mot désigne les dons divers de l'Esprit laissé par Jésus à ses disciples.


Copte

Terme dérivé du grec aiguptios à l'époque arabe pour désigner la population locale de l'Égypte, alors chrétienne. S'applique aujourd'hui à l'Église d'Égypte, indépendante de l'Église de Rome depuis le Ve siècle (concile de Chalcédoine). Elle a un « pape » à sa tête. La langue copte n'est autre que la langue égyptienne écrite en caractères grecs.


Docétisme

Courant des origines chrétiennes, apparu dès le début du ire siècle, qui ne reconnaissait pas au Christ une humanité pleine et entière. Il préférait voir en lui d'abord un être divin et céleste qui s'est seulement donné une « apparence » humaine (du grec dokein, « paraître ») et qui donc n'a ni réellement souffert sur la croix ni effectivement connu la mort.


Halakha

Ensemble des normes religieuses que l'exégèse rabbinique déduit des textes bibliques, essentiellement la Torah ou Pentateuque, mais aussi de la « Torah orale », ce que les évangiles appellent « tradition des Anciens ».


Holocauste

Sacrifice offert au Temple de Jérusalem dans lequel la victime était entièrement (du grec holos, « tout ») consumée par le feu, contrairement à d'autres types de sacrifices dont la chair des victimes était partagée entre les prêtres et les fidèles.


Marcionisme

Doctrine de Marcion (v. 85-v. 160) qui opposait notamment la divinité créatrice de la Genèse, considérée comme mauvaise, au « vrai Dieu » apporté par le Christ.

Par là, le marcionisme prônait une rupture radicale avec l'héritage juif.


Mishna

De la racine shana, « répéter », la Mishna est le recueil de référence de la halakha enseignée par les rabbis des deux premiers siècles de l'ère commune et compilée vers l'an 200. Elle est structurée en traités répartis en six « ordres » thématiques et sert de base au Talmud.


Presbytre

Le terme grec presbuteros signifie « ancien » (…) Le mot « prêtre » vient de ce terme grec presbuteros, mais se chargera de nouvelles significations dans le cours du IIIè siècle.


Samaritains

Population établie en Samarie (entre la Judée et la Galilée), notamment dans la ville de Naplouse, et qui s'identifie comme les derniers survivants des Israélites royaume du Nord détruit par les Assyriens au VIIIè siècle avant l’ère commune. Ils pratiquent une religion strictement mosaïque, n'admettent comme Écriture que le Pentateuque et avaient leur temple sur le mont Garizim. Depuis l'époque hellénistique au moins, ils sont en conflit avec les Juifs, qui les considèrent comme une population allogène implantée là par les Assyriens.


Talmud

Monumentale synthèse des discussions rabbiniques des cinq premiers siècles de l'ère commune, composé sous la forme d'un commentaire de la Mishna.


Tétragramme

Dans la Bible hébraïque, le Dieu d'Israël est désigné par différents noms. Le Nom YHWH, écrit avec les quatre lettres yod-hé-waw-hé, d'où l'appellation « Tétragramme », est le Nom propre de Dieu. Un interdit très fort porte sur son énonciation et on le remplace dans la lecture et la prière par le nom Adonaï, « Seigneur ».

YHWH n'était prononcé que par le Grand Prêtre le jour de Kippour.